Nouvelle augmentation des émissions de gaz à effet de serre: l'objectif de réduction à 2°c le réchauffement climatique désormais intenable
Selon l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), les émissions de gaz à effet de serre (notamment CO2) ont atteint record en 2010. Pire : l'objectif phare qui consiste à limiter à 2°C le réchauffement climatique planétaire serait même désormais inatteignable.
Si la crise financière mondiale a légèrement entamé l'évolution ininterrompue des émissions de CO2 en 2009, le rebond de 2010 est pire qu'attendu avec un record à 30,6 milliards de tonnes (Gt) de CO2 émis, soit une augmentation de 5% par rapport au précédent record de 2008 (29,3 Gt). En terme d'énergie fossile, 44 % des émissions estimées en 2010 proviennent du charbon, 36 % du pétrole et 20% du gaz naturel.
Cette augmentation n'étonne guère les spécialistes. Les chercheurs du Global Carbon Project, organisation internationale de recherche à laquelle participe le Laboratoire français des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), avaient calculé début 2010 une diminution de ces émissions de 1,3 % au cours de l'année 2009, attribuée essentiellement à la crise économique. Mais les baisses observées en Europe, (- 4,9 % en France, - 7 % en Allemagne et - 8,6 % en Angleterre), au Japon (- 11,8 %), aux États-Unis (- 6,9 %) ou en Russie (- 8,4 %) se voyaient largement contredites par les hausses dans les pays émergents (+ 8 % en Chine, + 6,2 % en Inde, + 1,4 % en Corée du sud). Et dès avril 2009, ces mêmes scientifiques estimaient qu'une croissance économique mondiale de 4,8 % (prévue par les économistes) entraînerait en 2010 une augmentation des émissions mondiales de plus de 3 %, un rythme annuel proche de celui observé entre 2000 et 2008. La croissance s'est établie à un niveau légèrement inférieur (4,6 % selon l'OCDE), mais les émissions ont crû plus vite que prévu, principalement du fait de la poursuite de la croissance dans les pays émergents et la reprise économique dans les pays développés.
Selon les dernières estimations de la National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA), les concentrations planétaires en CO2 étaient de 391,55 ppm en mars 2011, soit près de 40 % de plus par rapport au niveau du début de la révolution industrielle (environ 280 ppm en 1750). A titre de comparaison, il avait fallu plus de 5 000 ans pour que la concentration en CO2 augmente de seulement 80 ppm à la fin du dernier âge glaciaire... (GIEC, 2007).
Au-delà de cette nouvelle augmentation, l'objectif de limiter la hausse de la température de la Terre à seulement 2°c d'ici 2020 parait désormais intenable. Pour mémoire, la conférence de Cancun avait proclamé, fin 2010 la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 25% à 40% d'ici 2020 pour limiter le réchauffement climatique à 2°c, seuil considéré comme fatidique pour l'équilibre de notre planète. "Cette augmentation significative des émissions de CO2 et la marge de manoeuvre réduite pour le futur en raison des investissements actuels dans les infrastructures représentent un sérieux revers quant à nos espoirs de limiter à 2°C la hausse globale de température" a déclaré le Dr Fatih Birol, chef économiste à l'AIE qui supervise le rapport annuel World Energy Outlook, la publication phare de l'Agence.
pour respecter une concentration de CO2 dans l'atmosphère de 450 parties par millions (ppm) en 2020, compatible avec une hausse des températures limitées à + 2° C, les émissions liées à l'énergie ne devraient pas dépasser les 32 Gt. Donc, ne pas augmenter plus d'ici à 2020 que sur cette dernière année. Responsables d'un quart seulement de la hausse, les pays de l'OCDE pèsent encore 40 % du total de 2010. Mais les émissions européennes ont diminué de 8 % entre 2008 et 2010.
L'AIE a par ailleurs évalué que 80% des émissions prévues dans le secteur de l'énergie jusqu'à 2020 sont déjà immobilisés par des centrales électriques qui sont actuellement en place ou en construction aujourd'hui. "Nos dernières estimations sont un nouvel appel au réveil" souligne le Dr. Birol. "Le monde est actuellement incroyablement proche du niveau des émissions qui ne devrait pas être atteint en 2020 pour maintenir l'augmentation en dessous de 2°C. Vu la marge de manoeuvre restante, à moins que des décisions audacieuses et décisives soient prises, il sera extrêmement difficile d'atteindre l'objectif global convenu à Cancún."
Le président du Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), Rajendra Pachauri, déclarait déjà fin 2009 : "le monde développé n'a vraiment rien fait. Le Protocole de Kyoto est reconnu plutôt par sa violation que par l'adhésion aux limites qui ont été fixées." L'accord de la conférence de Cancun demeure peu volontaire et dénué d'objectifs et d'étapes contraignantes.